Le double intérêt des insectes : traiter les biodéchets et produire des protéines

Le double intérêt des insectes : traiter les biodéchets et produire des protéines

Le double intérêt des insectes : traiter les biodéchets et produire des protéines

Le double intérêt des insectes : traiter les biodéchets et produire des protéines

D’après la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), chaque année, plus d’un tiers de la production alimentaire mondiale est gaspillé ou jeté et seulement 20% des déchets générés sont valorisés de manière biologique. En France, près de 20 millions de tonnes de biodéchets sont générés par an. La gestion de ces biodéchets est particulièrement polluante tout comme la production de protéines animales qui génère une quantité de gaz à effet de serre importante notamment par l’intermédiaire de l’élevage, à l’origine de 14,5% des émissions de gaz à effet de serre. [1] De plus, la population mondiale devant passer de 7 milliards à 9 milliards d’êtres humains d’ici 2050 tandis que la superficie des terres agricoles a tendance à reculer, une crise alimentaire de masse se profile dans un futur proche. Ainsi, d’après Patrick Lhomme, docteur en écologie de l’université de Mons en Belgique, il y a un besoin urgent de trouver de nouvelles sources de protéines. [2] Ces diverses problématiques peuvent trouver une solution par la valorisation des insectes. En effet, certains d’entre eux sont des consommateurs importants de biodéchets. Les insectes peuvent également être source de protéines à la fois pour l’alimentation animale mais aussi humaine, limitant ainsi drastiquement la pollution due à la production de protéines.

15 nov. 2020

L’impact environnemental de nos modes alimentaires

D’après le CITEPA (Centre inter-professionnel technique d’études de la pollution atmosphérique), 16% des émissions de méthane en France proviennent des processus de gestion des déchets alimentaires par enfouissement et incinération. [3] Le méthane étant un gaz à effet de serre dont le pouvoir réchauffant est 25 fois plus important que le CO2, la gestion des biodéchets s’avère donc critique dans le cadre du développement durable. Or, certains insectes sont capables de se nourrir de déchets végétaux et alimentaires. Par exemple, la mouche Soldat noire est très efficace : 1 kg de ses œufs génère 10 tonnes de larves vivantes et permet l’élimination de 40 à 50 tonnes de déchets alimentaires (végétaux, restes de viandes, de poisson, fromages…) en 10 jours. Cela n’est en rien comparable à la durée de décomposition des déchets par compostage qui peut durer de 6 à 18 mois. Des scientifiques ont même constaté que le ver de farine pouvait se nourrir de plastique, le digérer et le transformer en déchets biodégradables. En effet, selon les résultats publiés par une étude dans le Environmental Science and Technology, chaque ver consommait entre 34 et 39 milligrammes de polystyrène par jour soit l’équivalent d’un comprimé de médicament. Cette découverte pourrait être une grande avancée dans le cadre de la gestion des déchets. Les auteurs de l’étude espèrent maintenant qu’en comprenant les mécanismes internes à l’intestin des vers de farine, les scientifiques et les ingénieurs pourront développer de nouvelles manières de dégrader les déchets plastiques, fléaux pour l’environnement. [4]

De plus, l’Europe importe plus de 70% de ses protéines notamment par l’intermédiaire de tourteaux de soja dont le transport est très polluant. [5] La production de protéines à partir d’insectes permettrait donc de limiter le coût et la pollution engendrés par l’importation des protéines et de réduire la déforestation due à la culture du soja. [6]

Comparativement à l’élevage de bovins, l’entomoculture (culture d’insectes) réduirait considérablement la production de gaz à effet de serre. [7] En effet, produire un kilo de vers de farine entraîne l’émission de 10 à 100 fois moins de pollution que produire un kilo de viande de porc. [8] De plus, l’élevage d’insectes requiert proportionnellement beaucoup moins de nourriture que l’élevage de bovins ou de volailles : il faut 8 kg de végétaux pour obtenir 1 kg de boeuf contre seulement 2 kg nécessaires pour obtenir 1 kg d’insectes. De plus, pour une centaine d’espèces d’insectes nous pouvons comptabiliser une reproductibilité de 15 générations par an, permettant ainsi un gain non négligeable de temps. La consommation en eau est également plus faible pour les élevages d’insectes qui utilisent 60 fois moins d’eau que les bovins pour produire une quantité équivalente. Enfin, l’élevage d’insectes utilise moins d’espace : la production d’1 kg de protéine nécessite 200 m² pour un élevage bovin contre 15 m² pour un élevage d’insectes. L’entomoculture représenterait donc un moindre impact environnemental ainsi qu’une réponse efficace et raisonnée face aux problèmes soulevés dans les élevages animaux pour la production de protéines.

Quelles valorisations pour les insectes ?

Le développement important des élevages d’insectes a pour ambition de répondre aux futurs défis alimentaires via la production de protéines et de produits dérivés.  En effet, les insectes pourraient bien être une solution alternative viable pour consommer des protéines sans détruire notre planète. Selon la FAO, la plupart des insectes contiennent en moyenne entre 30 et 65% de protéines, alors que la viande de boeuf par exemple, contient 19 à 26% de protéines. [9] On peut également noter que 80% des espèces d’insectes sont effectivement comestibles et commercialisables contre 55% seulement des volailles et 40% des bovins. De plus, les protéines contenues dans les insectes sont des protéines complètes contrairement à la majorité des protéines végétales. Cela signifie que les protéines des insectes contiennent tous les acides aminés essentiels pour l’homme en proportion adéquate pour répondre aux besoins diététiques du corps humain. Les insectes ont donc une qualité protéique incomparable dont la transformation en poudre n’entraîne également pas de déchet : les déjections constituent des amendements assimilables et aux caractéristiques riches pour la nutrition végétale.

Moins coûteuse et plus écologique, la production d’insectes ouvre d’autre part une voie sans précédent pour la valorisation des biodéchets et coproduits issus de l’agriculture et des industries agroalimentaires, s’inscrivant dans une logique d’économie circulaire. [10] L’économie circulaire consiste à produire des biens et des services de manière durable en limitant la consommation et le gaspillage des ressources et la production des déchets. Les synergies entre producteurs, industries agroalimentaires et les éleveurs d’insectes sont donc importantes.

Les produits issus de l’entomoculture peuvent également constituer une alimentation riche pour les animaux. [11] Les larves d’insectes renferment de nombreuses substances d’intérêt pour la nutrition animale (protéines, lipides, fibres, glucides, sels minéraux et vitamines) mais également pour d’autres usages dans les secteurs pharmaceutiques, cosmétiques, biomédicaux… 

Les projets futurs de cette filière

L’élevage d’insectes dans la prochaine décennie semble constituer un tournant majeur en ce qui concerne l’alimentation animale et la valorisation des déchets organiques. Plus de deux milliards d’êtres humains utilisent déjà les insectes dans leur alimentation : en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Mais aujourd’hui, il existe un double blocage à la consommation d’insectes en Occident : culturel et gustatif. Depuis une dizaine d’années, les chercheurs européens essayent de produire des farines d’insectes que l’on pourrait intégrer à de la tapenade, des sauces ou des barres énergétiques par exemple mais ces chercheurs se heurtent à des difficultés au moment de proposer leurs formulations aux industries agroalimentaires car les consommateurs ne sont pas prêts à consommer des insectes.

De plus, la FAO encourage l’élevage d’insectes comestibles à grande échelle afin de promouvoir la sécurité alimentaire et de combattre la faim dans les pays en voie de développement. Cet organisme précise de surcroît l’intérêt nutritionnel, écologique et économique d’un tel régime. Mais malgré l’enthousiasme des industriels et de la FAO, la réglementation actuelle ne permet pas la commercialisation d’insectes sur le territoire français. En effet, la diffusion à grande échelle d’insectes dans notre alimentation nécessite une autorisation de mise sur le marché, qui devrait arriver dans un futur proche, estime le Dr. Lhomme. Le ministère de l’Agriculture «suit et étudie ces questions de très près». Les industriels et producteurs d’insectes attendent donc une évolution de la réglementation permettant la commercialisation de leurs produits en France, ce qui est déjà le cas depuis 2017 pour trois espèces d’insectes en Suisse. [12]   

Il est également nécessaire de remarquer que les coûts de production et de recherche sont immenses et le prix de vente au grand public d’un certain nombre de ces produits reste élevé. L’arrivée des insectes comestibles n’est pas toujours bien vue et viendrait concurrencer d’autres marchés de protéines dont celui de la viande. Bien que les insectes commencent à être mis en rayon dans certains magasins, cela reste pour l’instant minime face aux sources protéiques traditionnelles. 

Chez AgroParisTech Service Etudes nous souhaitons développer les domaines de gestion de l’environnement, de la production agricole et de la transformation de bioproduits, secteurs enseignés à AgroParisTech. Ainsi, nos étudiants sont un atout non négligeable car ils sont en mesure de vous aider à réaliser vos projets, grâce à leurs connaissances sur ces sujets. N’hésitez pas à nous contacter si vous avez des questions, et nous serons ravis d’échanger avec vous sur votre projet !