26/07/23

La viande fabriquée en laboratoire, une innovation alimentaire viable face aux problématiques de l’élevage ?

  • Autrice : Clara Bézier
  • Temps de lecture : 6 min

  En raison de la demande mondiale croissante de produits animaux tels que la viande, le lait et les œufs, l’industrie de l’élevage est devenue l’une des principales causes de dégradation environnementale à l’échelle mondiale. La menace des gaz à effet de serre soulève une préoccupation générale et une nécessité de repenser notre système alimentaire. Or dans un contexte d’anxiété sur la sécurité alimentaire mondiale, la viande fabriquée en laboratoire pourrait sembler être une alternative envisageable à la consommation de cette source de protéines. Mais quels sont alors les enjeux, les avantages et les inconvénients de cette innovation ?

Le processus de fabrication de la viande in vitro

Le 2 décembre 2020, les autorités sanitaires de Singapour ont autorisé la consommation de nuggets à base de viande de poulet fabriquée en laboratoire par la start-up californienne Eat Just. [1] Mais comment de la viande peut-elle être fabriquée par l’Homme ?
La conception de viande in vitro prend en compte quatre grandes étapes. Elle commence tout d’abord par le prélèvement de cellules souches de muscles provenant de tissus d’animaux vivants. [1] Ces cellules sont ensuite placées dans des bioréacteurs pour se multiplier. Ce sont des enceintes stériles qui contiennent des liquides nutritifs recréant un environnement similaire à celui que les cellules trouveraient dans l’organisme de l’animal. Les nutriments contenus dans ce dernier sont nécessaires pour leur multiplication. Le milieu de culture est ensuite modifié pour déclencher la différenciation des cellules souches en trois types de tissus qui constituent la viande ; la graisse, le muscle et le tissu conjonctif. Pour finir, les cellules sont séparées et la viande est « construite » mécaniquement.

Les différentes étapes dans la fabrication de viande in vitro [1]

Une innovation qui révèle des avantages tout comme des inconvénients

Une solution au bien-être animal

La viande cultivée offre une alternative qui permettrait d‘éviter l’abattage d’animaux. En utilisant des techniques de culture cellulaire, les scientifiques peuvent reproduire les cellules musculaires et produire de la viande sans nécessiter l’élevage ou l’abattage d’animaux. Cette innovation pourrait réduire considérablement la souffrance animale associée à la production de viande, ce qui est une avancée éthique majeure. Toutefois, cette méthode n’exclut pour l’instant pas toujours l’abattage puisqu’encore de nombreux milieux de culture contiennent du sérum bovin fœtal (FBS), qui est collecté dans le sang fœtal issu d’abattoirs d’animaux. [2]

Des risques sanitaires moindres

La viande produite en laboratoire présente un avantage significatif en terme de réduction des risques sanitaires. Ce processus de culture cellulaire permet de minimiser les risques de contamination par des agents pathogènes tels que les bactéries comme celles de type E. coli ou Campylobacter, qui proviennent généralement de l’intestin du bétail [4]. De plus, la production en laboratoire offre un environnement contrôlé et stérile, réduisant ainsi les risques liés aux maladies animales transmissibles à l’homme, comme la grippe aviaire ou la maladie de la vache folle.

Une pratique qui répond aux défis environnementaux ?

L’élevage est sans aucun doute un problème majeur pour l’environnement. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la production de viande conventionnelle représente une part considérable des émissions de gaz à effet de serre (18 %), de l’utilisation des sols (30 %), ainsi que de la consommation d’eau (8 %) et d’énergie mondiale. [1] La viande réalisée en laboratoire s’avérerait alors être une solution envisageable pour lutter face à ces enjeux. Or d’après de récentes études, il s’avère que cette nouvelle méthode aurait un impact environnemental qui pourrait sur le long terme être supérieur à celui de l’élevage. [1] Les infrastructures nécessaires sont en effet très demandeuses en énergies fossiles. De plus, le matériel en plastique nécessaire pour garantir la stérilité de la viande représente une grande quantité de déchets.

Cette viande in-vitro représente-elle un risque pour la santé du consommateur ?

La consommation de ce type de viande ne serait pas sans risque de part la présence d’hormones anabolisantes et de perturbateurs endocriniens. Ces molécules permettent en effet d’accélérer la multiplication cellulaire et ainsi obtenir en quelques semaines in vitro ce que l’animal ferait en plusieurs années. Or si ces hormones sont présentes chez l’homme, une surexposition à ces dernières peut avoir des effets délétères. [1]

Une acceptation de cette alternative à la viande d’élevage difficile à adopter

Une nécessité de conquérir les consommateurs

La viande fabriquée en laboratoire doit s’adapter aux attentes des consommateurs pour qu’elle puisse peu à peu remplacer la viande conventionnelle. Tout d’abord, le matériel nécessaire à sa conception coûte très cher, un coût qui ne garantirait pas un prix convenable pour la viande. [5] On compte aujourd’hui 46 euros pour une lamelle de 5mm d’épaisseur. [2]
Le visuel et l’appétence de la viande doivent également être travaillés pour conquérir le publique et lui donner envie de manger ces produits innovants. [4] Les consommateurs pourraient en effet être repoussés à l’idée de manger de la viande issue d’un laboratoire et non d’un pré.

La législation

La viande in-vitro est encore fabriquée à petite échelle, et si elle est adoptée dans certains pays comme à Singapour, ce n’est encore pas le cas pour beaucoup d’autres comme pour la France. En tant que nouvel aliment, la viande cultivée doit être autorisée par les autorités nationales pour être commercialisée ; concernant l’Europe il s’agit de la Commission européenne. [3] La mise en marché de ce produit sera alors encadrée par la législation « Novelfood ». [2] L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) étudiera le nouvel aliment pour déterminer s’il est sans danger. Ce processus peut toutefois durer plusieurs années.
Actuellement, les recherches sur la viande cultivée en laboratoire ne relèvent que du secteur privé avec une cinquantaine de startups sur le sujet.

Conclusion

La viande conçue in-vitro est ainsi une innovation qui pourrait révolutionner l’industrie agroalimentaire. Elle offre en effet une alternative potentielle à la production traditionnelle de viande, qui est souvent associée à des problèmes environnementaux, éthiques et sanitaires. Toutefois, cette méthode doit encore être développée pour résoudre certains défis comme son coût trop élevé. A ce stade la viande fabriquée en laboratoire ne peut pas remplacer celle conventionnelle c’est pourquoi de nombreuses recherches sont encore en cours. Des améliorations et contrôles sont encore nécessaire pour garantir la fiabilité de cette innovation.

Un des domaines de spécialisation à AgroParisTech est tourné vers l’agroalimentaire. AgroParisTech Service Etudes serait ainsi ravi de vous accompagner sur votre projet touchant de près ou de loin à cet univers.

22/01/21

La génétique, une clé pour lutter contre l’obésité

  • Temps de lecture estimé : 5 min
  • Auteurs : Clémence CARO & Julie PERRIN & Elisa PIOT

En 2017 en France, le taux d’obésité atteint 15,3% [1] de la population adulte. L’obésité représente ainsi un véritable enjeu de santé publique. Dans les pays occidentaux, on parle même d’épidémie d’obésité. De nombreuses pistes de traitements sont aujourd’hui explorées pour soigner les personnes atteintes de cette pathologie. En 2010, il a été prouvé que de nombreux gènes sont responsables de l ‘obésité. 30 à 80% des variations de poids chez les adultes atteints d’obésité sont déterminées génétiquement [2]. Les chercheurs s’intéressent depuis au développement de traitements génétiques. En novembre, la découverte de la fonction d’un nouveau gènes apporte de nouveaux espoirs thérapeutiques. Des scientifiques américains ont mis à jour le rôle de Prkar2a dans le contrôle de l’envie de manger gras et sucré, et dans le contrôle de la motivation sportive. Comment ce nouvel arrivant dans la carte génétique [3] de l’obésité change-t-il les perspectives de traitement de l’obésité ?

Prkar2a, un gène exprimé dans le cerveau qui influence le système de récompense: comment fonctionne-t-il ?

Le gène Prkar2a code la protéine du même nom, Protein Kinase cAMP-Dependent Type II Regulatory Subunit Alpha. Il s’exprime dans une région arrière du cerveau (l’habenula), impliquée notamment dans la dépression, l’addiction, les systèmes de récompense et la motivation

Comment le gène Prkar2a fonctionne-t-il à l’échelle moléculaire ? L’AMPc est une molécule-signal indispensable pour la diversité des fonctionnements cellulaires. Elle agit en activant la Protéine Kinase A, une enzyme centrale dans les voies de signalement cellulaire, qui transduit le signal par phosphorylations successives. Cette Protéine Kinase A est composée de deux sous-unités de régulation et de deux sous-unités catalytiques. La protéine Prkar2a est une des sous-unités de régulation possibles, pouvant être phosphorylée par l’activation d’une sous-unité catalytique. Elle peut alors interagir avec d’autres protéines, déterminant ainsi la localisation cellulaire de la Protéine Kinase A. Ainsi, le gène Prkar2a régule le transport et la localisation des protéines. [4]

Elaborer un traitement contre l’obésité à partir de Prkar2a 

Des expériences de knock-out, technique de génétique moléculaire permettant d’invalider un gène cible,  ont été réalisées sur le gène Prkar2a des souris. L’information génétique contenue dans le gène n’est alors plus traduite et la protéine Prkar2a fonctionnelle n’est plus synthétisée. Une diminution de l’expression de Prkar2a conduit alors à un dysfonctionnement de signalisation de la Protéine Kinase A. La localisation dendritique des sous-unités catalytiques de la Protéine Kinase A dans les neurones de l’habenula étant altérée, cela se répercute sur les messages neuronaux envoyés. La perturbation de la signalisation de la Protéine Kinase A altère la phosphorylation d’une protéine (la DARPP-32), phosphorylation activant indirectement, à l’état sauvage, la sensation de récompense perçue sous une alimentation grasse. 

Une récente étude de chercheurs du National Institute of Health [4] a ainsi montré que l’inactivation de ce gène pouvait entraîner une diminution de l’expression du système de récompense lié à la nourriture et, parallèlement, une augmentation de la motivation à faire de l’exercice. Cette combinaison d’influences donne de l’espoir dans la recherche d’un traitement contre l’obésité induite par l’alimentation. En effet, même si aucune expérience n’a encore été menée sur l’Homme, il présente également le gène Prkar2a dont le rôle est semblable à celui chez la souris, c’est pourquoi les résultats obtenus chez la souris offrent des perspectives prometteuses.

L’obésité est une maladie complexe, agir sur un seul gène peut-il suffire ?

Depuis une dizaine d’années, de nombreuses équipes de chercheurs se sont penchées sur la composante génétique de l’obésité. L’implication de centaines de gènes  a été révélée. La plupart des formes d’obésité sont dites polygéniques. Dès lors, quel gène cibler pour réaliser un traitement ? Prkar2a ou un autre ? Cette question ne fait pas consensus. Il existe deux théories : agir sur les gènes s’exprimant dans le cerveau comme Prkar2a, ou agir sur les gènes s’exprimant dans les tissus adipeux (tissus constitués de cellules stockant les lipides, les adipocytes, communément appelés graisses). 

En effet, certains gènes impliqués dans le métabolisme des lipides, s’ils sont désactivés, permettent un destockage massif de la matière grasse sans changement de régimes alimentaires, et sans augmentation de l’activité physique. Par exemple, d’après une étude récente (août 2020 [5]), réguler l’activité du récepteur membranaire PPARγ dans les adipocytes constituerait un potentiel traitement. Lors d’une activité physique, les myocytes (cellules musculaires) communiquent avec les adipocytes via la sécrétion de myokine. Cela active le métabolisme des lipides. Une modification de PPARy amplifie le signal, ce qui entraîne un métabolisme accru.

Conclusion

L’obésité est une maladie complexe dont le traitement miracle est encore loin d’être abouti malgré les nouveaux travaux prometteurs en génétique. Il est également peu probable que la thérapie génique soit utilisée comme seule stratégie. L’environnement (dimension socio-culturelle), et le comportement constituent également des facteurs conduisant l’excès pondéral. Bien que la découverte de gènes comme Prkar2a soit prometteuse, travailler sur des composantes structurelles comme l’environnement alimentaire est aussi essentiel pour stopper la propagation épidémique de l’obésité.


Bibliographie

15/11/20

Le double intérêt des insectes : traiter les biodéchets et produire des protéines

  • Temps de lecture estimé : 6 minutes
  • Auteurs : Emma Bernadet & Mathilde Vuillemin

               D’après la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture),  chaque année, plus d’un tiers de la production alimentaire mondiale est gaspillé ou jeté et seulement 20% des déchets générés sont valorisés de manière biologique. En France, près de 20 millions de tonnes de biodéchets sont générés par an. La gestion de ces biodéchets est particulièrement polluante tout comme la production de protéines animales qui génère une quantité de gaz à effet de serre importante notamment par l’intermédiaire de l’élevage, à l’origine de 14,5% des émissions de gaz à effet de serre. [1]
               De plus, la population mondiale devant passer de 7 milliards à 9 milliards d’êtres humains d’ici 2050 tandis que la superficie des terres agricoles a tendance à reculer, une crise alimentaire de masse se profile dans un futur proche. Ainsi, d’après Patrick Lhomme, docteur en écologie de l’université de Mons en Belgique, il y a un besoin urgent de trouver de nouvelles sources de protéines. [2]
               Ces diverses problématiques peuvent trouver une solution par la valorisation des insectes. En effet, certains d’entre eux sont des consommateurs importants de biodéchets. Les insectes peuvent également être source de protéines à la fois pour l’alimentation animale mais aussi humaine, limitant ainsi drastiquement la pollution due à la production de protéines.                               

L’impact environnemental de nos modes alimentaires

               D’après le CITEPA (Centre inter-professionnel technique d’études de la pollution atmosphérique), 16% des émissions de méthane en France proviennent des processus de gestion des déchets alimentaires par enfouissement et incinération. [3] Le méthane étant un gaz à effet de serre dont le pouvoir réchauffant est 25 fois plus important que le CO2, la gestion des biodéchets s’avère donc critique dans le cadre du développement durable. Or, certains insectes sont capables de se nourrir de déchets végétaux et alimentaires. Par exemple, la mouche Soldat noire est très efficace : 1 kg de ses œufs génère 10 tonnes de larves vivantes et permet l’élimination de 40 à 50 tonnes de déchets alimentaires (végétaux, restes de viandes, de poisson, fromages…) en 10 jours. Cela n’est en rien comparable à la durée de décomposition des déchets par compostage qui peut durer de 6 à 18 mois. Des scientifiques ont même constaté que le ver de farine pouvait se nourrir de plastique, le digérer et le transformer en déchets biodégradables. En effet, selon les résultats publiés par une étude dans le Environmental Science and Technology, chaque ver consommait entre 34 et 39 milligrammes de polystyrène par jour soit l’équivalent d’un comprimé de médicament. Cette découverte pourrait être une grande avancée dans le cadre de la gestion des déchets. Les auteurs de l’étude espèrent maintenant qu’en comprenant les mécanismes internes à l’intestin des vers de farine, les scientifiques et les ingénieurs pourront développer de nouvelles manières de dégrader les déchets plastiques, fléaux pour l’environnement. [4]

               De plus, l’Europe importe plus de 70% de ses protéines notamment par l’intermédiaire de tourteaux de soja dont le transport est très polluant. [5] La production de protéines à partir d’insectes permettrait donc de limiter le coût et la pollution engendrés par l’importation des protéines et de réduire la déforestation due à la culture du soja. [6]

               Comparativement à l’élevage de bovins, l’entomoculture (culture d’insectes) réduirait considérablement la production de gaz à effet de serre. [7] En effet, produire un kilo de vers de farine entraîne l’émission de 10 à 100 fois moins de pollution que produire un kilo de viande de porc. [8] De plus, l’élevage d’insectes requiert proportionnellement beaucoup moins de nourriture que l’élevage de bovins ou de volailles : il faut 8 kg de végétaux pour obtenir 1 kg de boeuf contre seulement 2 kg nécessaires pour obtenir 1 kg d’insectes. De plus, pour une centaine d’espèces d’insectes nous pouvons comptabiliser une reproductibilité de 15 générations par an, permettant ainsi un gain non négligeable de temps. La consommation en eau est également plus faible pour les élevages d’insectes qui utilisent 60 fois moins d’eau que les bovins pour produire une quantité équivalente. Enfin, l’élevage d’insectes utilise moins d’espace : la production d’1 kg de protéine nécessite 200 m² pour un élevage bovin contre 15 m² pour un élevage d’insectes. L’entomoculture représenterait donc un moindre impact environnemental ainsi qu’une réponse efficace et raisonnée face aux problèmes soulevés dans les élevages animaux pour la production de protéines.

Quelles valorisations pour les insectes ?

               Le développement important des élevages d’insectes a pour ambition de répondre aux futurs défis alimentaires via la production de protéines et de produits dérivés.  En effet, les insectes pourraient bien être une solution alternative viable pour consommer des protéines sans détruire notre planète. Selon la FAO, la plupart des insectes contiennent en moyenne entre 30 et 65% de protéines, alors que la viande de boeuf par exemple, contient 19 à 26% de protéines. [9] On peut également noter que 80% des espèces d’insectes sont effectivement comestibles et commercialisables contre 55% seulement des volailles et 40% des bovins. De plus, les protéines contenues dans les insectes sont des protéines complètes contrairement à la majorité des protéines végétales. Cela signifie que les protéines des insectes contiennent tous les acides aminés essentiels pour l’homme en proportion adéquate pour répondre aux besoins diététiques du corps humain. Les insectes ont donc une qualité protéique incomparable dont la transformation en poudre n’entraîne également pas de déchet : les déjections constituent des amendements assimilables et aux caractéristiques riches pour la nutrition végétale.

               Moins coûteuse et plus écologique, la production d’insectes ouvre d’autre part une voie sans précédent pour la valorisation des biodéchets et coproduits issus de l’agriculture et des industries agroalimentaires, s’inscrivant dans une logique d’économie circulaire. [10] L’économie circulaire consiste à produire des biens et des services de manière durable en limitant la consommation et le gaspillage des ressources et la production des déchets. Les synergies entre producteurs, industries agroalimentaires et les éleveurs d’insectes sont donc importantes.

               Les produits issus de l’entomoculture peuvent également constituer une alimentation riche pour les animaux. [11] Les larves d’insectes renferment de nombreuses substances d’intérêt pour la nutrition animale (protéines, lipides, fibres, glucides, sels minéraux et vitamines) mais également pour d’autres usages dans les secteurs pharmaceutiques, cosmétiques, biomédicaux… 

Les projets futurs de cette filière

               L’élevage d’insectes dans la prochaine décennie semble constituer un tournant majeur en ce qui concerne l’alimentation animale et la valorisation des déchets organiques. Plus de deux milliards d’êtres humains utilisent déjà les insectes dans leur alimentation : en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Mais aujourd’hui, il existe un double blocage à la consommation d’insectes en Occident : culturel et gustatif. Depuis une dizaine d’années, les chercheurs européens essayent de produire des farines d’insectes que l’on pourrait intégrer à de la tapenade, des sauces ou des barres énergétiques par exemple mais ces chercheurs se heurtent à des difficultés au moment de proposer leurs formulations aux industries agroalimentaires car les consommateurs ne sont pas prêts à consommer des insectes.

               De plus, la FAO encourage l’élevage d’insectes comestibles à grande échelle afin de promouvoir la sécurité alimentaire et de combattre la faim dans les pays en voie de développement. Cet organisme précise de surcroît l’intérêt nutritionnel, écologique et économique d’un tel régime. Mais malgré l’enthousiasme des industriels et de la FAO, la réglementation actuelle ne permet pas la commercialisation d’insectes sur le territoire français. En effet, la diffusion à grande échelle d’insectes dans notre alimentation nécessite une autorisation de mise sur le marché, qui devrait arriver dans un futur proche, estime le Dr. Lhomme. Le ministère de l’Agriculture «suit et étudie ces questions de très près». Les industriels et producteurs d’insectes attendent donc une évolution de la réglementation permettant la commercialisation de leurs produits en France, ce qui est déjà le cas depuis 2017 pour trois espèces d’insectes en Suisse. [12]   

               Il est également nécessaire de remarquer que les coûts de production et de recherche sont immenses et le prix de vente au grand public d’un certain nombre de ces produits reste élevé. L’arrivée des insectes comestibles n’est pas toujours bien vue et viendrait concurrencer d’autres marchés de protéines dont celui de la viande. Bien que les insectes commencent à être mis en rayon dans certains magasins, cela reste pour l’instant minime face aux sources protéiques traditionnelles. 

               Chez AgroParisTech Service Etudes nous souhaitons développer les domaines de gestion de l’environnement, de la production agricole et de la transformation de bioproduits, secteurs enseignés à AgroParisTech. Ainsi, nos étudiants sont un atout non négligeable car ils sont en mesure de vous aider à réaliser vos projets, grâce à leurs connaissances sur ces sujets. N’hésitez pas à nous contacter si vous avez des questions, et nous serons ravis d’échanger avec vous sur votre projet ! 

17/10/20

Les nouvelles habitudes alimentaires

  • Temps de lecture estimé : 4 minutes
  • Auteurs : Clément Dô, Elisa Polegato, Pablo Rivera Silva

Depuis quelques années le climat occupe une place de plus en plus importante dans le débat public et les dernières élections municipales en font la preuve. C’est en 2018 que le GIEC publie son sixième rapport d’évaluation [1] et lance une alerte au monde demandant un effort dans la lutte contre le changement climatique afin de limiter l’augmentation de la température à “seulement 1.5°C” pour 2050. Cette alerte est adressée aux chefs d’État, conseils d’administration des entreprises, mais aussi aux particuliers. Dans une perspective d’adaptation, le GIEC propose de changer les habitudes alimentaires en “réduisant la consommation de viande et de produits laitiers et en achetant des produits locaux et saisonniers”.  Les habitudes de consommation de la population ne sont plus les mêmes que celles des générations précédentes. Le marché de l’alimentation des prochaines années se verra de plus en plus transformé en raison d’une prise de conscience de l’impact de nos habitudes alimentaires sur le climat, la pollution des sols ou sur notre santé et depuis les années 1990, la 5ème transition alimentaire a débuté et la transition est en cours. Elle s’oriente vers plus de durabilité  dans notre alimentation et nos systèmes alimentaires durables, et vise à implanter une autonomie alimentaire.

L’agriculture biologique un gage de qualité pour les consommateurs

Selon un rapport de l’Agence Bio [2] à propos de la consommation et la perception des produits issus d’agriculture biologique en France, en 2020, les Français ont tendance à augmenter leur consommation de produits issus d’Agriculture Biologique (AB). En effet, 71 % des Français assurent consommer au moins une fois par mois des produits issus de l’agriculture biologique et 14% des Français assurent en consommer tous les jours.  Ce mouvement se ressent particulièrement chez les moins de 35 ans qui ont majoritairement intégré l’agriculture biologique dans leurs repas. En effet, 78% des 25-34 ans et 72% des 18-24 ans consomment régulièrement des produits de l’AB.  La gestion du temps et du budget des consommateurs change également puisque leur consommation se stabilise. A cela,  ajoutons que pendant les périodes de confinement une plus grande partie du temps a été consacrée à la préparation de repas à domicile. Ceci atteste bien d’une remise en question des habitudes de consommations en cherchant un compromis entre la qualité et la quantité. Les changements sont donc à la fois bien perceptibles et sont en accord avec la croissance de l’Agriculture Biologique en France qui rappelons nous était faible il y a 20 ans. Aujourd’hui, de plus en plus d’agriculteurs convertissent leurs parcelles selon les conditions de l’Agriculture Biologique créant  ainsi de plus en plus d’emplois. 

Cette augmentation de la demande pose quelques problèmes au niveau de l’offre puisque la production de produits issus de l’agriculture biologique n’est pas uniforme :  elle varie en fonction des types de produits.  Par conséquent, en 2016, la France a ainsi importé près de 29% des produits bio consommés [3]. Parmi ces produits importés, une moitié est issue de pays membres de l’Union Européenne et l’autre moitié est issue de pays tiers. Quant aux produits exotiques (bananes, mangues, cacao, café…) ou méditerranéens (olives, agrumes,…), ils constituent 43 % des importations en France. Il est donc raisonnable de se poser la question suivante : y a-t-il un marché en local pour les producteurs français ?

Une consommation plus locale…et moins riche en viande !

Outre l’agriculture biologique comme pratique pour lutter contre les défis environnementaux, on observe de plus en plus un volonté de consommer local. Selon le dernier sondage réalisé par IPSOS en 2019 [4], 77% des consommateurs affirment acheter des produits  provenant de producteurs locaux et parmi eux 86 % de seniors et 71 % de jeunes. Cette tendance devrait se poursuivre puisque dans l’opinion des Français , dans 79% des cas, l’origine géographique du produit est jugée primordiale, signe que le commerce de proximité est une habitude de plus en plus ancrée dans les pratiques. Accentuer le budget et les dépenses pour cette économie circulaire et locale prend alors tout son sens. Cette tendance à la consommation locale s’accompagne depuis 2012, d’une stabilisation de la consommation de viande par habitant autour de 85 kg/habitant/an [5]. Mais si on le regarde encore plus loin, depuis 1998, elle a diminué de 9%. Aujourd’hui les Français ont une consommation de viande équivalente à celle des années 70. Probablement qu’avec l’augmentation de l’offre des nouvelles alternatives à la viande comme la spiruline ou les légumineuses, la consommation de viande continuera à diminuer pendant les prochaines années.    

Afin de palier le manque à venir liés aux produits alimentaires que nous consommons actuellement, il semble nécessaire de trouver de nouvelles alternatives, en particulier végétales. Tout d’abord, nous pouvons nous intéresser à des légumineuses, comme par exemple les lentilles, qui sont une très bonne source de fer, et qui peuvent, en partie, remplacer la consommation de viande sur certains repas. Depuis quelques années, c’est de tous nouveaux types de légumineuses qui font surface, tels que le soja, qui est très riche en protéines végétales. Il contient 8 des acides aminés essentiels pour l’Homme, et est une très bonne source de protéines. Selon l’Université de Harvard, une étude a prouvé en août 2016, qu’augmenter sa consommation de protéines végétales ne serait-ce que de 3 % diminuerait de 12 % le risque de décès liés aux maladies cardiovasculaires. Ce nouveau mode de consommation n’est donc pas seulement favorable à l’environnement, mais également à notre santé. Enfin, on peut également trouver un tout nouveau type d’aliment qui présente de nombreux avantages, et qui tend à se développer de plus en plus : les aliments à base de spiruline. Cette microalgue, en réalité utilisée depuis de nombreuses années, car les Aztèques la cultivaient déjà, contient une source complète de protéines, de vitamines, de minéraux et de phytonutriments. Elle possède aussi des propriétés anti-inflammatoires et antioxydantes. A Paris, la ferme urbaine Algorapolis produit de la spiruline fraîche, et suit une politique responsable. En effet, la spiruline est livrée toute l’année à vélo dans un rayon de 20 km, et leur pâte de spiruline fraîche n’a subi aucune transformation. Cette startup, soucieuse de l’environnement, a une culture de très faible consommation énergétique, et poursuit une logique zéro déchet grâce à une production en circuit fermé. Pour ce genre de sources végétales, il est important de se demander si cette consommation peut s’étendre à grande échelle et tendre vers une généralisation, ou si ce marché est seulement un marché de niches.

Nous pouvons également nous intéresser à de nouveaux types de protéines animales, très peu développées aujourd’hui. On peut notamment penser à la consommation d’insectes, pratique relativement courante dans certains pays du monde. Cette consommation peut aussi bien être destinée aux animaux. On peut notamment penser à la pisciculture et farines d’insectes ou encore la pet food, développée en France par la start up Tomojo, qui réalise des croquettes pour chien et pour chat, à base d’insectes. Elle peut également s’orienter vers les Hommes, avec des insectes sous forme de steaks, de chips, et bien d’autres. Bien que la plupart des consommateurs soient réticents à ce nouveau mode alimentaire, il présente de nombreux avantages, et pourrait répondre aux enjeux du développement durable. Le faible impact écologique, la qualité nutritionnelle et les espaces de productions réduits sont les principaux arguments mis en avant par les producteurs, tels que la start up Cycle Farm, qui possède un site de production en Afrique, et qui visent à long terme l’implantation de cette filière sur le marché mondial et non seulement européen. Cependant, de nombreux progrès sont à faire, car ni la législation, ni l’industrialisation ne sont prêts à implanter totalement ce nouveau mode alimentaire. Le modèle agro industriel actuel a une faible résilience avec une forte vulnérabilité face aux risques sanitaires, économiques, environnementaux et sociaux, qui freinent ce développement.

À l’heure où cette transition agroalimentaire est un enjeu primordial et où l’implantation de nouveaux marchés est en plein essor, la création de startups spécialisées dans la  production ou commercialisation de ces nouveaux modes alimentaires peut être une réelle carte à jouer. Cela nécessite cependant un travail en amont sur le site de production, l’accueil des produits sur le marché ou encore la prévision de la commercialisation des produits. Afin de se lancer au mieux dans ce projet, il peut être intéressant de réaliser des études de marché ou de faisabilité des aliments et des produits souhaités. Chez AgroParisTech Service Etudes, nous sommes en mesure de vous aider à faire grandir vos projets, n’hésitez-pas à nous contacter, nous serons ravis d’échanger avec vous !

Bibliographie : 

[1] : IPCC, 2018: Global Warming of 1.5°C. An IPCC Special Report on the impacts of global warming of 1.5°C above pre-industrial levels and related global greenhouse gas emission pathways, in the context of strengthening the global response to the threat of climate change, sustainable development, and efforts to eradicate poverty [Masson-Delmotte, V., P. Zhai, H.-O. Pörtner, D. Roberts, J. Skea, P.R. Shukla, A. Pirani, W. Moufouma-Okia, C. Péan, R. Pidcock, S. Connors, J.B.R. Matthews, Y. Chen, X. Zhou, M.I. Gomis, E. Lonnoy, T. Maycock, M. Tignor, and T. Waterfield (eds.)]. In Press,p362.
[2] AGENCE BIO – baromètre de consommation et de perception des produits biologiques en France – Edition 2020
[3] Agence BIO/AND-I 2017 
[4] Ipsos – Les Français et la consommation en circuit local – Leclerc – Octobre 2019
[5]  FranceAgriMer – La consommation de produits carnés en 2018 , ÉDITION octobre 2019.