17/06/21

Les marchés du carbone

Comprendre les crédits carbone et leur rôle dans les développements économiques et écologiques des pays

  • Auteurs : Matthieu Cieutat et Julie Perrin
  • Temps de lecture estimé : 5 min

Ce que l’on appelle crédit carbone (ou quotas de CO2) équivaut à l’émission d’une tonne de gaz à effet de serre (GES) en équivalent CO2. [1] Cette unité est née suite au protocole de Kyoto (1997) signé à ce jour par 195 états et l’Union Européenne. L’objectif central de ce protocole est la réduction puis la stabilisation des émissions de gaz à effet de serre par les pays signataires. Les crédits carbone sont alors convertis en une monnaie, les “CO2 coins”, ce qui crée ainsi un marché du carbone. Tarifer le carbone est un moyen de transformer l’aspect immatériel du gaz en quelque chose de quantifiable et échangeable entre 2 entités. Des marchés du carbone ont ainsi émergé à travers le monde. Aujourd’hui, le prix du crédit carbone oscille entre 1 euro (prix au Mexique) et 100 euros (prix en Suède) selon le type de projet mené et le mode d’émission/séquestration.[2]

Mais comment fonctionne le marché du carbone?

Un état ou une entreprise peut demander l’attribution de crédits carbone si il/elle peut respecter 4 conditions. Prenons un exemple simple et parlant: celui d’une entreprise qui plante des forêts [3]. Les conditions à respecter sont les suivantes:

  • Le porteur de projet doit montrer que sans l’attribution de crédits carbone (et à la revente de ceux-ci), le projet alternatif libérerait du CO2. Dans notre exemple, le projet de faire pousser une forêt capte du CO2, la raser en libèrerait, il faut donc continuer à entretenir cette forêt.
  • Il doit être possible de mesurer la quantité de CO2 séquestrée par rapport au projet alternatif, c’est-à-dire combien de tonnes de CO2 notre forêt emmagasine et combien elle en relâcherait si on la rasait.
  • Il doit être possible de vérifier que la quantité de CO2 stockée correspond bien aux crédits carbones versés pour le projet (pour fixer le prix du carbone).
  • La séquestration du carbone doit se faire sur la durée (minimum 7 ans).

Une fois que les crédits carbones sont alloués, l’État ou l’entreprise peut les revendre pour financer son activité. Mais qui peut bien vouloir racheter des crédits carbone ?

Et bien tout simplement les États et entreprises qui produisent justement beaucoup de CO2. En effet, en Europe, les pays doivent respecter un quota maximum d’émissions de CO2. Pour l’année 2020, il s’agissait de 450 millions de tonnes de CO2 pour la France. [4]  La France doit alors répartir ses quotas carbone entre ses entreprises. Si elle émet plus de CO2 que ce qu’il lui est autorisé, elle devra racheter des crédits auprès d’entreprises ou États qui détiendront des crédits carbone. 

In fine, l’idée est donc de chercher la neutralité carbone. Ainsi certaines entreprises ne pouvant actuellement pas produire moins de CO2 utilisent la possibilité d’acheter des crédits carbone, auprès d’entreprises qui séquestrent ou produisent moins de GES, pour compenser leurs activités.     

Alors est-ce que ça marche ?

À première vue, on observe des aspects très encourageants. Dans certains contextes, le fait de tarifer le carbone incite très fortement les entreprises et États à réduire leurs émissions de CO2. En effet, les coûts de réduction des émissions sont plus faibles que les prix du quota sur le marché, ce qui est censé encourager les entreprises à réduire leurs émissions pour revendre leurs crédits carbone et bénéficier de la différence.[5]

De plus, cette notion de crédit carbone pourrait jouer un rôle majeur dans le développement des pays émergents. Prenons l’Inde et ses 1,4 milliards d’habitants. Il est décisif d’orienter son développement vers la neutralité carbone dès maintenant pour ne pas voir ses émissions exploser avec sa démographie. Les crédits carbones peuvent être un moyen d’y parvenir. Les projets dit d’ “évitement” accordent des quotas aux entreprises qui investissent dans les énergies renouvelables comme le projet éolien Gandhi [6] pour réduire la dépendance de l’Inde au charbon et amorcer la transition.

De même, si le prix du carbone augmente, il devient plus intéressant financièrement de préserver les espaces séquestrant du carbone. Ceci induirait une réduction de la déforestation, qui entraînerait une meilleure captation du CO2 et aura donc à terme un effet positif sur la régulation de l’impact de nos activités sur le climat.

Cependant les crédits carbone peuvent amener à des biais non désirés. Le GreenWashing en est un. Certaines entreprises excusent la pollution engendrée par leurs activités par leur compensation. Planter des arbres ne résout pourtant pas les problèmes dus aux émissions issues du trafic aérien par exemple. De plus, la comptabilisation des émissions ne se fait que dans le pays où son activité est établie. La délocalisation de ses sous-traitements industriels n’entre ainsi pas forcément dans les calculs pour les quotas et peut biaiser le système. Le succès environnemental à long terme de cette économie de marché développée autour du carbone dépendra ainsi surtout de l’engagement des entreprises et de leurs projets.

Conclusion

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