22/01/21

La génétique, une clé pour lutter contre l’obésité

  • Temps de lecture estimé : 5 min
  • Auteurs : Clémence CARO & Julie PERRIN & Elisa PIOT

En 2017 en France, le taux d’obésité atteint 15,3% [1] de la population adulte. L’obésité représente ainsi un véritable enjeu de santé publique. Dans les pays occidentaux, on parle même d’épidémie d’obésité. De nombreuses pistes de traitements sont aujourd’hui explorées pour soigner les personnes atteintes de cette pathologie. En 2010, il a été prouvé que de nombreux gènes sont responsables de l ‘obésité. 30 à 80% des variations de poids chez les adultes atteints d’obésité sont déterminées génétiquement [2]. Les chercheurs s’intéressent depuis au développement de traitements génétiques. En novembre, la découverte de la fonction d’un nouveau gènes apporte de nouveaux espoirs thérapeutiques. Des scientifiques américains ont mis à jour le rôle de Prkar2a dans le contrôle de l’envie de manger gras et sucré, et dans le contrôle de la motivation sportive. Comment ce nouvel arrivant dans la carte génétique [3] de l’obésité change-t-il les perspectives de traitement de l’obésité ?

Prkar2a, un gène exprimé dans le cerveau qui influence le système de récompense: comment fonctionne-t-il ?

Le gène Prkar2a code la protéine du même nom, Protein Kinase cAMP-Dependent Type II Regulatory Subunit Alpha. Il s’exprime dans une région arrière du cerveau (l’habenula), impliquée notamment dans la dépression, l’addiction, les systèmes de récompense et la motivation

Comment le gène Prkar2a fonctionne-t-il à l’échelle moléculaire ? L’AMPc est une molécule-signal indispensable pour la diversité des fonctionnements cellulaires. Elle agit en activant la Protéine Kinase A, une enzyme centrale dans les voies de signalement cellulaire, qui transduit le signal par phosphorylations successives. Cette Protéine Kinase A est composée de deux sous-unités de régulation et de deux sous-unités catalytiques. La protéine Prkar2a est une des sous-unités de régulation possibles, pouvant être phosphorylée par l’activation d’une sous-unité catalytique. Elle peut alors interagir avec d’autres protéines, déterminant ainsi la localisation cellulaire de la Protéine Kinase A. Ainsi, le gène Prkar2a régule le transport et la localisation des protéines. [4]

Elaborer un traitement contre l’obésité à partir de Prkar2a 

Des expériences de knock-out, technique de génétique moléculaire permettant d’invalider un gène cible,  ont été réalisées sur le gène Prkar2a des souris. L’information génétique contenue dans le gène n’est alors plus traduite et la protéine Prkar2a fonctionnelle n’est plus synthétisée. Une diminution de l’expression de Prkar2a conduit alors à un dysfonctionnement de signalisation de la Protéine Kinase A. La localisation dendritique des sous-unités catalytiques de la Protéine Kinase A dans les neurones de l’habenula étant altérée, cela se répercute sur les messages neuronaux envoyés. La perturbation de la signalisation de la Protéine Kinase A altère la phosphorylation d’une protéine (la DARPP-32), phosphorylation activant indirectement, à l’état sauvage, la sensation de récompense perçue sous une alimentation grasse. 

Une récente étude de chercheurs du National Institute of Health [4] a ainsi montré que l’inactivation de ce gène pouvait entraîner une diminution de l’expression du système de récompense lié à la nourriture et, parallèlement, une augmentation de la motivation à faire de l’exercice. Cette combinaison d’influences donne de l’espoir dans la recherche d’un traitement contre l’obésité induite par l’alimentation. En effet, même si aucune expérience n’a encore été menée sur l’Homme, il présente également le gène Prkar2a dont le rôle est semblable à celui chez la souris, c’est pourquoi les résultats obtenus chez la souris offrent des perspectives prometteuses.

L’obésité est une maladie complexe, agir sur un seul gène peut-il suffire ?

Depuis une dizaine d’années, de nombreuses équipes de chercheurs se sont penchées sur la composante génétique de l’obésité. L’implication de centaines de gènes  a été révélée. La plupart des formes d’obésité sont dites polygéniques. Dès lors, quel gène cibler pour réaliser un traitement ? Prkar2a ou un autre ? Cette question ne fait pas consensus. Il existe deux théories : agir sur les gènes s’exprimant dans le cerveau comme Prkar2a, ou agir sur les gènes s’exprimant dans les tissus adipeux (tissus constitués de cellules stockant les lipides, les adipocytes, communément appelés graisses). 

En effet, certains gènes impliqués dans le métabolisme des lipides, s’ils sont désactivés, permettent un destockage massif de la matière grasse sans changement de régimes alimentaires, et sans augmentation de l’activité physique. Par exemple, d’après une étude récente (août 2020 [5]), réguler l’activité du récepteur membranaire PPARγ dans les adipocytes constituerait un potentiel traitement. Lors d’une activité physique, les myocytes (cellules musculaires) communiquent avec les adipocytes via la sécrétion de myokine. Cela active le métabolisme des lipides. Une modification de PPARy amplifie le signal, ce qui entraîne un métabolisme accru.

Conclusion

L’obésité est une maladie complexe dont le traitement miracle est encore loin d’être abouti malgré les nouveaux travaux prometteurs en génétique. Il est également peu probable que la thérapie génique soit utilisée comme seule stratégie. L’environnement (dimension socio-culturelle), et le comportement constituent également des facteurs conduisant l’excès pondéral. Bien que la découverte de gènes comme Prkar2a soit prometteuse, travailler sur des composantes structurelles comme l’environnement alimentaire est aussi essentiel pour stopper la propagation épidémique de l’obésité.


Bibliographie