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Quand les hommes se tournent vers les plantes pour se soigner : la recrudescence de la phytothérapie

  • Autrices : Leïla Marliac et Audrey Kislin
  • Temps de lecture estimé : 9 minutes

Durant des milliers d’années, la phytothérapie a constitué la principale source de remèdes contre de nombreuses maladies. Cependant, avec l’avènement de la chimie à la fin du XIXe siècle et la découverte de nouveaux médicaments, cette science ne fut plus que des « remèdes de grand-mère » aux vertus incertaines.  

Cependant, cette mise à l’écart n’a duré qu’un temps. L’apparition d’effets secondaires de la plupart des médicaments de synthèse, les prix des productions, mais également les progrès scientifiques et techniques réalisés ces dernières années ont fait émerger une nouvelle phytothérapie. Celle-ci réconcilie les traditions ancestrales, les preuves d’une efficacité scientifique et une haute technicité garante de la qualité et sécurité des produits. Elle assure également le respect du végétal.  

Aujourd’hui, 75% des Français envisagent d’utiliser des traitements naturels (homéopathie, phytothérapie, apithérapie, aromathérapie) [0] et 17% des Français utilisent la phytothérapie.

De nos jours, la phytothérapie a donc le vent en poupe. Qu’est-ce que la phytothérapie et comment expliquer son succès ?

Qu’est-ce que la phytothérapie ?

Par définition, la phytothérapie est une médecine douce qui traite et prévient certaines maladies ou troubles par l’usage des plantes. Les plantes médicinales utilisées contiennent naturellement de nombreuses substances qui peuvent agir sur notre organisme. Par exemple, les phénols sont des composés aromatiques qui ont des propriétés antiseptiques et antibactériennes. Les tanins ont un rôle asséchant et astringent. Quant aux flavonoïdes (responsables de la couleur jaune, orange ou rouge des fruits et fleurs), ils génèrent des effets laxatifs. D’autres composés peuvent être néanmoins toxiques, comme les alcaloïdes (morphine, nicotine). [1] Chaque espèce de plante contient des substances qualitativement et quantitativement différentes.

Le thym est une plante aromatique très prisée en phytothérapie pour ses propriétés anti-infectieuses et antioxydantes. On l’utilise notamment en cas de troubles respiratoires ou gastro-intestinaux. Elle contient entre autres deux principes actifs : le thymol, un puissant anti-inflammatoire, et l’apigénine, aux propriétés antioxydantes et antitumorales.
Thym en fleurs
Thymol
Apigénine

Le thym est une plante aromatique très prisée en phytothérapie pour ses propriétés anti-infectieuses et antioxydantes. On l’utilise notamment en cas de troubles respiratoires ou gastro-intestinaux. [2] Elle contient entre autres deux principes actifs : le thymol, un puissant anti-inflammatoire, et l’apigénine, aux propriétés antioxydantes et antitumorales. [3]    

On utilise aussi bien les racines, les tiges, les fleurs et les feuilles des plantes médicinales selon l’utilisation que l’on veut en faire. Cependant, on consomme rarement les plantes brutes, il s’agit de les préparer afin de faire ressortir les composés d’intérêt.

Quelques exemples de méthodes de préparation…

  • L’infusion : il s’agit de porter des plantes fraîches ou sèches dans une eau en ébullition puis de les refroidir rapidement. Cette méthode permet d’extraire les principes actifs par solubilisation. L’eau froide solubilise les sels minéraux, pectines, mucilage et alcaloïdes tandis que l’eau chaude solubilise partiellement les huiles essentielles. Plus les plantes sont ligneuses et plus le temps d’infusion est long. [1]
  • La décoction : Elle concerne les tiges, écorces, racines et fruits. Il s’agit de faire bouillir ces parties végétales entre 10 et 30 min. [1]
  • La fumigation : Il s’agit de porter les plantes à ébullition ou d’en faire une combustion et d’utiliser les vapeurs ou fumées qui en résultent. [1]
  • La teinture : Des plantes fraîches sont d’abord hachées puis doivent macérer 3 semaines dans de l’alcool à 95°. [1] Un malaxage a lieu régulièrement en absence de lumière afin de favoriser l’extraction des principes actifs vers la phase liquide. On extrait ensuite le liquide par filtration.
  • Les extraits fluides : On les obtient par extraction des principes actifs en plongeant les plantes dans différents mélanges de concentration en alcool croissante. On peut les mettre dans une solution neutre glycérinée à la fin. [1]
  • Les huiles essentielles : Elles s’obtiennent par distillation d’une plante dans de l’eau ou par entraînement à la vapeur. [1] 
  • La gélule : Les plantes sont pulvérisées puis encapsulées dans des gélules de gélatine vides à l’aide d’une machine. La gélule offre l’avantage de conserver le plus longtemps possible les vertus thérapeutiques des principes actifs qui y sont contenus, une facilité d’usage et l’absence de goût du produit absorbé. [4]
  • Le cataplasme : Il s’agit d’une pâte épaisse médicinale que l’on applique sur la peau en la faisant tenir grâce à un linge. La peau étant perméable, les principes actifs qu’il contient vont pénétrer à travers la peau.

Dans quels cas utiliser la phytothérapie ?

La phytothérapie possède un très large champ d’applications. Elle peut être efficace contre des pathologies aiguës ou chroniques mais aussi en prévention. Elle peut également permettre d’accompagner des traitements allopathiques pour en potentialiser les effets ou améliorer le bien-être des patients. Ainsi, la phytothérapie peut aider à venir à bout de nombreuses maladies mais certainement pas de toutes les pathologies. En effet, on ne soigne pas le cancer par la phytothérapie. En revanche, il est possible d’accompagner la prise en charge des effets secondaires liés aux traitements. 

La logique de traitement est différente entre la médecine classique et la phytothérapie. La médecine moderne est substitutive, c’est-à-dire que les médicaments classiques régularisent les fonctions de l’organisme et le soulagent du besoin de s’autoguérir. En phytothérapie, on utilise également les plantes comme des médicaments pour réguler les fonctions du corps, mais elles aident aussi le corps humain à se soigner.

Cependant aujourd’hui, il n’est plus question d’opposer traitements à base de plantes et médicaments issus de la chimie, mais au contraire de les associer. Le médecin nutritionniste, botaniste Ed. Fayard a déclaré : « Nous avons en France 13 millions de personnes polymédiquées avec des risques d’accidents liés aux interactions (10 à 20% des hospitalisations après 65 ans sont liés à un mésusage des médicaments). L’intérêt de certaines plantes est de limiter la prise de médicaments de synthèse et de permettre une décroissance médicamenteuse ». La logique de traitement est donc différente entre la médecine classique et la phytothérapie.

Quels risques pour la santé ?

Ce n’est pas parce que la phytothérapie utilise une matière première naturelle qu’elle est sans danger et sans contre-indications. Certaines plantes sont toxiques, d’autres risquent d’interagir avec des médicaments et de provoquer des effets indésirables

Par exemple, on déconseille le ginkgo, un puissant fluidifiant, si le patient consomme des médicaments anticoagulants (aspirine, héparine, etc.) pour risque d’hémorragie. Pour la même raison, on recommande de ne pas consommer de thé, d’ail ou de gingembre en association avec le ginkgo. [5] La grande difficulté de la phytothérapie est de ne pas créer d’interactions négatives entre les plantes utilisées. Elle requiert donc une bonne connaissance des plantes et il est conseillé de se renseigner auprès d’un professionnel de santé.

De plus, certaines plantes sont contre-indiquées pour la grossesse et l’allaitement, celles-ci pouvant être toxiques pour le fœtus. [6] L’EMA (Agence européenne du médicament) contre-indique l’usage de certaines plantes chez les enfants de moins de 12 ans, et très souvent chez les moins de 18 ans.

Quelle réglementation régit actuellement la phytothérapie ?

En France, on regroupe les plantes médicinales dans les PPAM (Plantes à Parfum, Arômes ou Médicinales). Deux-tiers des PPAM ont pour finalité l’extraction des huiles essentielles et 7 plantes (lavande, pavot, sauge, estragon, thym, lavandin, ginkgo biloba) couvrent 90% des surfaces de culture des PPAM. [1]

La plupart des plantes commercialisées proviennent de l’importation de différents pays. Un important contrôle qualité a lieu sur le marché des plantes car selon le pays producteur, les plantes n’ont pas les mêmes teneurs en principes actifs. [1]

La Pharmacopée est un registre qui regroupe l’ensemble des plantes que seules les pharmacies peuvent commercialiser. [7] Ce document enregistre les plantes selon leurs effets et les parties toxiques ou contenant les principes actifs. Il peut être utilisé pour déterminer quelle partie de la plante (tige, feuille, racine, etc.) consommer pour se soigner.

Au vu de l’engouement pour la phytothérapie, il est facile d’imaginer l’augmentation de la cueillette sauvage ces dernières décennies. Cependant, la cueillette sauvage de plantes manque aujourd’hui cruellement de réglementation et met en danger la biodiversité de ces dernières.

Conclusion

Ainsi, la phytothérapie se présente aujourd’hui comme la solution vers laquelle se tourner pour éviter la surmédication. Il est cependant nécessaire de connaître ses dangers et ses limites. Un des domaines de spécialisation à AgroParisTech se penche sur la pharmacologie, les bioproduits et la santé. AgroParisTech Service Etudes serait ainsi ravi de vous accompagner sur votre projet touchant de près ou de loin à cet univers en pleine renaissance.

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